Mon dernier jour à New York
Dimanche 14 décembre. J'ai 25 ans et 13 jours. Et je passe ma dernière journée dans la plus belle ville du monde.
Le matin, vers 8h30, la femme de ménage débarque en train, on va donc profiter de l'occasion pour me déposer à la gare en même temps.
Lever de soleil depuis le train.
Ca, c'est le côté chienne de vie. Un réveil à 7h pour mon dernier jour de rêve, c'est nul. Cela dit, je vais pouvoir profiter plus longtemps de la Grosse Pomme, enfin quand même un grand bout parce que je vais être récupérée par Mme Great qui va passer la journée sur place avec ses filles. Je sais donc qu'en fin d'après-midi, je dois m'attendre à un coup de fil pour me dire "nous sortons du spectacle, sois à telle heure à tel endroit." Ce qui veut donc dire que je ne peux pas rentrer vers 8h comme j'en ai pris l'habitude et que je vais devoir courir. En revanche j'ignore que Kerry ne prend que ses filles avec elle, et donc je m'attends à un retour sportif en voiture, du genre "Nitt? Tu pleures? Niiiiitt, tu pleures? Pourquoi tu pleures? Niiiiitt! Mamaaaaan, Nitt elle pleure! Pourquoi tu pleures Nitt? Eeeeeh Niiiiiiiiiitt!"... chouette perspective.
Mais avant ça, j'ai des taaaas de bonnes et belles choses à faire.
Un tour chez Borders, au Madison Square Garden, pour trouver Wicked en livre. J'ai trouvé le premier tome et une suite dans un autre Borders et n'ayant pas eu le temps de les acheter (une histoire d'emploi du temps et de queue trop longue) je tiens à trouver tout ça et à me le procurer.
Je tournicote, fais des ronds, des petits ronds, encore des ronds toujours des ronds et finis par trouver... le premier tome. Pas plus. Snif. Mais c'est mieux que rien. Je me saisis donc de Wicked, de deux babioles pour la famille, et passe en caisse.
Je sors, me dirige vers ma paroisse américaine préférée, et puisque j'ai beaucoup d'avance vais me promener dans Madison Square Park, où, puisque le temps est splendide, je prends des tonnes de photos partout. Je tiens à ne pas oublier ce dernier moment ici. A graver le tout dans ma mémoire et sinon dans de l'argent, dans une puce numérique qui est en fait bien plus fidèle que ma mémoire.
L'angle de la 7ème avenue et de la 23ème rue, avec vue sur le Chelsea Hôtel, connu pour ses sculptures extérieures et son escalier en fer forgé.
Pas de stalactites, des chaînes argentées. Du plus bel effet.
Les cabanes dans les arbres de Tadashi Kawamata. Au début de mon séjour je m'amusais de leur construction, les voici dans toute leur splendeur. Et avec des locataires siouplé! Regardez bien, la photo de droite, en bas à droite! Ce ne fut pas la seule cabane occupée!
Après avoir bien profité de la vue sur la place qui fait face au Flatiron, je prends Broadway vers le sud et longe ce dernier, succombe devant une lumière mââgnifique qui fait ressortir toutes les sculptures du bâtiment, et prends ensuite vers ma droite, c'est à dire vers l'ouest, avant de remonter (encore un coup à droite) vers la 23ème rue et la messe. Ma dernière messe newyorkaise.
Fleur de Sel? Ca vous dit quelque chose hein? Allez voir là, et attendez aussi la suite de ce billet, ça va vous intéresser...
L'église Saint Vincent de Paul fondée en 1857 et le bâtiment qui la jouxte sur son flanc droit.
Deux saintes qui me touchent particulièrement : Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, et Sainte Anne, ma sainte patronne (eh oui, j'ai un prénom pas croyable mais une sainte patronne bien connue, en fait!)
La crèche, enfin.
A la sortie, je demande une bénédiction pour quelques menus objets acquis pendant mon voyage (non, vous ne saurez pas quoi avant Noël, j'ai des yeux et des oreilles à éviter d'ici-là), remercie le père pour ces trois mois spirituellement riches grâce à lui, et sors en larmoyant, direction... Le Bar Breton.
A gauche, derrière les reflets, la crèche d'une boutique. A droite, derrière les reflets, Rob.
Je fais vite et suis très à l'heure pour retrouver Rob, à qui j'ai demandé ce grand service de me tenir un peu compagnie pour ma dernière journée sur place, où je me sens fort capable de pleurer bêtement. Avec lui je sais que j'ai plus de chances de rire qu'autre chose. Je suis donc bien à l'heure, oui, mais lui n'est pas là. Dimanche dernier, on s'était loupés bêtement pendant 20 minutes parce qu'on s'était pas vus au carrefour, là on a fait exprès de se donner rendez-vous au restaurant, et y a pas, il est pas là, je le vois pas.
Lui non plus ne me voit pas, alors qu'il est assis au bar, à l'intérieur, et il nous faut 15 minutes d'attente, que j'occupe en commençant la lecture de Wicked, et un coup de fil, pour se situer l'un l'autre.
J'vous jure.
La faute à pas d'bol, comme qu'il dirait.
Il m'a accueillie dans le "vrai New York, celui du jazz" dimanche dernier, je l'accueille en Bretagne. Il découvre les galettes et crêpes, je découvre le mélange des goûts français et américains autour d'un plat breton traditionnel. On rigole beaucoup grâce à un serveur qui passe son temps à nous apporter des plats qu'on n'a pas commandés, on demande à voir le chef que je félicite et à qui je souhaite une grande réussite de son petit restaurant déjà bondé, puis mon nouvel ami et moi optons pour la visite du Whitney qui expose des artistes américains.
Le Whitney, dans l'Upper East Side, est... un musée moderne. Architecture moderne et carrée, escaliers qui rendent clostrauphobes, un peu de Andy Warhol (j'ai vu un 9 Jackies fort sympathique) et... euh... des oeuvres modernes. Du figuratif, de l'abstrait, du moderne quoi.
Nous redescendons après un petit tour au dernier étage pour aller voir une expo très ludique et assez intéressante (passionnante pour tous ceux qui font un peu de mécanique et qui aiment les mobiles, puisque l'expo portait sur le créateur du concept en art) de Alexander Calder, encore un qui a vécu à Paris, et au milieu d'improbables jouets qui ne servent pas tant à jouer qu'à faire mumuse avec des trucs qui bougent tout en "faisant de l'art" je me délite devant une vidéo de Josephine Baker qui chante J'ai deux amours. Cette chanson, c'est celle que j'ai utilisée pour mon tout premier cours de français, il y a deux ans bien sonnés maintenant. Josephine Baker, la scandaleuse chanteuse au déhanché incroyable et qui ne portait que des bananes sur scène, j'ai fait de nombreuses recherches sur elle et je connais son parcours américano-français. Cette femme et moi n'avons rien en commun, juste une chanson. La trouver virtuellement là pour mon dernier jour dans la ville que je préfère à Paris, c'est quelque chose. Même si elle chante qu'elle n'aime que son pays et Paris. Je pourrais chanter pareil mais en disant "mon pays et New York (et Tokyo)"...
Et puis... et puis l'heure tourne, Rob doit retrouver des amis, et le soleil commence à se coucher, je dois courir à l'Empire State Buiding où j'ai décidé de monter parce que tout de même, avec tous les films que j'ai vus et qui ont un rapport avec l'observatoire de cet immeuble de légende... ce serait dommage de ne pas aller voir.
On se dit donc au revoir, et pendant d'interminables minutes j'attends un métro en me retenant de pleurer. Je déteste les adieux, encore davantage quand je suis pressée et que les transports en commun trainent.
Je jaillis du métro à la nuit tombante, repère l'ouest (fastoche, le ciel est noir d'un côté, rougeoyant de l'autre), me précipite dans le gratte ciel le plus connu de la ville et découvre l'intérieur de la bête. Avec des échafaudages.
L'entrée, "un chef d'oeuvre d'art déco"... et d'assemblages tubulaires. Pour le moment.
Ci-dessus en trois photos, le premier niveau, avec la looongue file pour les tickets, mais j'ai de la chance, en général la file continue jusque sur le trottoir. Ca me fait environ 1km et beaucoup d'heures d'attente en moins. Vaut mieux, j'ai pas beaucoup de temps devant moi. Ici on vous distribue un tarif : montée seule, 20$, ticket + carte panoramique de NY = 28$ et si vous voulez en plus l'audio-guide (13 fois 3 minutes de blabla disponibles dans toutes les langues) c'est 8 de plus. Mais comme on est sympa, on vous fait un forfait.
Arglp.
La file avance régulièrement, je finis par atteindre le poste de sécurité avec portail magnétique, bagages passés aux rayonziks (je commence à avoir l'habitude) où on m'arrête à cause d'un truc que j'ai dans mon sac. Vérification faite, je ne tuerai personne avec ça, j'ai le droit d'avancer et on ne me confisquera pas mon cadeau, à l'inverse de nombre de photographes qui ont dû laisser leurs trépieds dans des sachets étiquetés... Un peu plus loin, bouchon, c'est le poste des photos. On prend un cliché de vous devant un écran vert et roulez jeunesse, vous récupérez un ticket avec le numéro de la photo que vous pourrez acheter à la sortie. Autre file d'attente au bout d'un couloir, nous atteignons le premier ascenseur, qui monte au 80ème étage en quelque chose comme 30 secondes (25km/h) et qui est commandé à distance. Il y a des agents un peu partout qui commandent deux ou trois ascenseurs chacun, qui les remplissent et les vident au gré des allers-retours, et vous souhaitent de profiter de la vue en appuyant sur le bouton de leur télécommande. C'est hallucinant.
Sur l'écran digital au-dessus de la porte, on voit [2] [3][5][10][20][30][40][50][60][70][75][76][77][78][79][80].
Et puis on sort pour trouver un autre ascenseur de l'autre côté de la boutique du Building, où tout le monde se prend en photo devant le vitrail art-déco éclairé de derrière, et nous atteignons enfin le 86ème étage. Sans la file d'attente, l'ascension a duré 45 secondes. Porte localisée, on se retrouve à l'extérieur de la baie vitrée, dans un vent assez fort, tout en haut, au dessus de ça :
Au sud : Madison Square Park dominé par la Metropolitan Life Tower
A l'est : l'East River
Nord-est : le Chrysler Building non loin de Grand Central Station
Souvenir de film : "Excusez-moi, vous êtes Annie?"
Retour sur l'est et le sud-est
East River
Sud : la bande lumineuse tout droit c'est la 5ème avenue, qui croise Broadway (en diagonale) aux pieds du Flatiron
L'hudson
"C'est vous Annie?"
A gauche de la lumière rouge, (agrandissez l'image vous verrez mieux) un gros batiment carré avec un circulaire derrière, c'est Madison Square Garden, le Bercy newyorkais, le bâtiment au premier plan et devant lui c'est l'Hôtel Pennsylvania, les deux recouvrant Penn Station (ouais, là où je débarquais) et le bâtiment à droite, au premier plan, c'est Macy's.
Nous surplombons les 33ème et la 34ème rues.
Herald Square, juste en dessous de nous, le croisement de Broadway et de la 6ème avenue, avec le sapin lumineux de Macy's. J'ai pris un nombre incalculable de photos dans l'autre sens, c'est à dire là en bas, en regardant vers la pointe où je me trouve...
Chemin de lumière dans un quartier qui doit être réservé aux affaires et au shopping, Broadway monte vers le nord et...
vers Times Square. (Nord ouest)
Nord
Nord-est
Ni nord, ni sud... "au-dessus"!
- Et lui c'est comment?
- Howard.
- Bonjour Howard!
Nord-est avec la 5ème avenue...
Je n'ai vraiment pas beaucoup de temps devant moi, et donc après avoir pris des photos de tous les côtés (y en a 4)(des côtés, pas des photos) je refais la file pour l'ascenceur vers le 80ème et sa boutique de luxe, où je passe en coup de vent, juste le temps de quelques photos :
L'anecdote de l'ascenseur : avant de monter, j'ai suivi un groupe d'asiatiques, deux filles et un garçon, qui ressemblait énormément à ma meilleure amie il y a 10 ans. Dans l'ascenseur je les retrouve et quand je tente de prendre une photo du marbre (ci-dessous) au fond de la cabine, ils se poussent. Convaincue d'être face à des Japonais, je les remercie dans leur langue. Ce qui les fait réagir d'une façon que je n'attendais pas "eh, elle a dit "Arigatô"!". Je m'interroge, m'aperçois qu'il manque la formule de grande politesse, et récidive.
La bilingue du groupe se penche (y avait pas besoin, j'avais 10cm d'avance sur elle) et me dit : "Nous commes Coréens."
Wouuups! Incident diplomatique à 12h!
Je me rattrape aux branches en lui demandant, après de plates excuses : "Mais comment faites-vous la différence physique, vous???"
Akiko, ne lis pas ce qui suit.
Elle me répond : "Les Coréens sont beaux."
Diplomatiquement, je lui réponds "Ah! Voilà! Je m'en souviendrai!"
Donc maintenant vous savez comment distinguer deux peuples extrêmement proches génétiquement et géographiquement (mais pas plus hein, attention) : les Coréens sont beaux, les Japonais sont magnifiques.
A la sortie, ayant eu un morceau de conversation téléphonique avec Kerry au sommet du Building, je me précipite sur Broadway où je rentre façon courant d'air dans toutes les boutiques de souvenirs que je trouve, afin de retrouver LA boule à neige que maman veut m'offrir, mais que je dois me procurer pendant que je suis encore là. Je cours, je trotte, j'explique que non, y a pas LE globe que je cherche, merci, une autre fois peut-être, et recommence.
Je la trouve à Times Square, enfin, et vu que je suis un peu en retard et loin du point de rendez-vous que j'ignore encore, la communication ayant coupé alors que je passais quelques 5 mètres en dessous du relai téléphonique le plus haut de la ville, je décide de prendre le métro. Achète une carte, entre, appelle Kerry.
Erreur. Le métro fait nord-sud et moi j'ai besoin d'aller au nord-est. Kerry est arrivée à destination et refuse de m'attendre les 45min dont j'aurais besoin pour ralier le point de rencontre et sa voiture depuis la sortie de métro. Une minute de réflexion et une solution (pourtant super simple, mais pourquoi n'y ai-je pas pensé???) est trouvée. Je vais ressortir et prendre un taxi. Ce que je fais.
J'ai retenu l'adresse de travers, mais ça tombe très bien lui m'a comprise de travers et m'emmène, alors que je larmoie en regardant New York pour la dernière fois, pile au bon endroit.
Je revois les parents de Kerry, leur dis adieu, récupère un pique-nique de fortune, et nous rentrons dans la voiture.
LE truc qu'il ne faut pas faire, alors qu'on a à bord une personne un peu sensible qui se trouve dans un endroit qu'elle aime plus que de raison pour la dernière fois avant... elle ignore quand, c'est de la regarder, et de lui dire de la part de la ville "Au revoir!".
Voilà, nous sommes lundi 22 alors que j'écris ceci, et ça me fait encore pleurer. Mais sur le coup je suis courageuse, et je ne fonds pas totalement en larmes. Je m'accroche à toutes les pensées heureuses du jour, les rires, les bonnes blagues (comme quoi les amis c'est inestimable), et après quelques miles mange mon oeuf dur, mâchonne un bout de pain et attends l'avion.
L'avion qui me ramènera à la maison.